S’il ne faut que se focaliser sur son apparence calme, tendre de jeune fille, l’on pourra oser dire que Modesty n’a pratiqué aucun sport. Et pourtant, ses coups lui ont valu des titres de championne au point même que la télévision France 24 a déjà réalisé un portrait d’elle.
Modestine Munga Zalia, Mode ou Modesty pour les intimes, est originaire du Nord-Ubangi (qui fait partie de l’ancienne province de l’Equateur en République Démocratique du Congo). Aînée d’une famille de deux filles dont la cadette est déjà mariée, cette brillante boxeuse est née le 7 juillet 1994 à Kinshasa.
Modesty Zalia est détentrice d’un diplôme d’État en Biologie-Chimie. Alors qu’elle était encore sur le banc de l’école en secondaire, un coach de boxe lui proposa de commencer à pratiquer la boxe. C’était à Musangu, son quartier d’enfance, dans la commune de Mont-Ngafula à Kinshasa. Munga ne s’est pas laissée séduire par le discours de ce coach. Elle n’était pas motivée car ne voyant aucune fille de son quartier s’éprendre de cette discipline sportive. Seuls les garçons de son entourage s’intéressaient à la boxe. C’est en regardant, un jour, à la télé un combat de Laila, la fille du Monument de la boxe Mohamed Ali, que Modestine découvrira que le pugilat était l’affaire de tous, des hommes, comme des femmes.
Et voilà depuis lors Zalia va se donner corps et âme à la pratique de la boxe, avec comme modèle Laila, la toute première fille qu’elle a vue à la télé en train d’assener des coups de poing à son adversaire sur le ring, qui ne faisait que marcher sur les pas de son légendaire de père Mohamed Ali, l’un des meilleurs boxeurs de tout le temps. Mode, comme ses intimes aiment bien l’appeler va décider de ne plus vivre son rêve d’enfant qui consistait à devenir médecin. Elle va mettre de côté l’idée de s’inscrire à l’Université pour se consacrer à sa carrière de boxeuse alors que ce ne sont pas les moyens financiers qui manquaient à ses parents pour l’envoyer à l’université.
Plus de 8 ans déjà, Zalia vit dans la boxe, mais amateure jusque-là. Elle est dans la catégorie « Coq » avec ses 54 kilos. Selon elle, son crochet assené de la main droite est le coup le plus fatal pour une adversaire.
Concernant son palmarès, Munga a livré 16 combats dont elle a remporté 10 aux points, 4 nuls et 2 défaites. En tout cas, Modesty devra batailler encore dur pour avoir un tableau de chasse aussi riche que son idole Laila Ali qui a livré 24 combats tout au long de sa carrière, en poids super-moyens et mi-lourds, avec une performance de 24 victoires dont 21 par K.O !
Plusieurs fois championne de Kinshasa, Zalia a gagné à trois reprises le championnat national de boxe féminine. Elle a déjà presté au Cameroun, au Congo-Brazzaville. Sur le continent africain, elle a été une fois vice-championne et médaillée de bronze en juin 2017. « J’ai été négligée en termes des préparatifs pour cette compétition, voilà de quoi justifier ma troisième place », précise-t-elle.
En dehors de la boxe, Modesty Zalia est une femme comme toutes les autres, mais quel est son rapport avec les hommes au quotidien ? « Les mecs ont très peur de moi. Ils évitent de m’approcher. Je ne sais pas si c’est parce que beaucoup d’entre eux voient comment je me donne à fond lors de mes entrainements. Ils pensent peut-être que je suis très dangereuse même en dehors du ring, alors que ce n’est pas ça la réalité », révèle cette jeune dame, boxeuse de son état, au regard doux frôlant la timidité. De ce fait, Zalia se comporte autrement en affaires sentimentales : « l’amour est une distraction pour ma carrière. Si je suis en couple avec un homme, cela va perturber mes horaires d’entrainement et de combats. Il faudra donc que je fasse un choix entre lui et ma carrière. S’il a besoin de me voir et que je suis occupée avec la boxe, ça risquera de créer des problèmes entre nous », renchérit-elle.
L’amour, elle va mieux s’en occuper plus tard, une fois qu’elle aura rangé ses gants. Elle ne pense même pas se focaliser sur l’aspect érotique de la vie car elle risquera de ne pas bien gérer sa carrière qu’elle veut internationaliser par ses efforts et avec l’aide des personnes de bonne volonté.
Sans froid aux yeux Modesty affirme aussi d’être draguée par des lesbiennes, notamment des sportives, mais elle n’envisage pas construire une histoire d’amour avec une femme comme elle. Elle pense que le fait pour les femmes de pratiquer du sport n’est pas une raison pour qu’elles se masculinisent quoiqu’il s’agisse d’un domaine exigeant beaucoup plus d’énergie et d’endurance. Zalia se veut rester une femme avec ses multiples attributs : elle se maquille, se coiffe au féminin, aime la vie, la sape, sort avec ses amies pour se divertir tout en évitant de prendre de l’alcool qui est nuisible pour la santé et la carrière d’un sportif. L’alcool, elle déclara le haïr depuis son enfance.
Aucun être humain n’est parfait, et Modesty n’échappe pas à cette règle ou réalité. D’ailleurs, elle avoue ne pas savoir préparer de la nourriture ; alors que le domaine culinaire est, surtout pour les Africains, l’un des critères de choix d’une femme pour le mariage. Tout son potentiel culinaire se limite à la préparation du thé. Elle se promet apprendre un jour comment bien faire la cuisine mais… pas maintenant car c’est la boxe qui occupe ses pensées.
Elle préfère employer le verbe « supporter » concernant celui qui voudra passer le restant de sa vie avec elle : « il me faudra un gentleman, un mari qui pourra me supporter, mes tatouages ( sur le bras et la jambe gauches) et comprendre mes défauts ». Zalia avoue aussi qu’il peut lui arriver d’être brutale, colérique, manquant de contrôle même parfois envers ses encadreurs techniques. « Je ne suis pas capable de disputer longuement au point que je veux directement en venir aux mains. Je n’aime pas qu’on me critique en face et surtout sans raison valable », déclare-t-elle tout simplement.
Concernant son avenir dans la boxe, Modestine Munga veut s’installer en Afrique du Sud ou en Europe afin de passer au cap professionnel de sa carrière. « Je ne veux pas devenir boxeuse professionnelle ici au pays car je n’y vois aucune garantie. En Afrique du Sud ou en Europe, il y a du sponsoring, de l’assistance sociale pour les sportifs et bien d’autres choses mieux organisées que dans mon pays natal. Et si je prenais un coup qui me cassais une côte, qui prendra bien soin de moi ? », se justifie-t-elle. Zalia pense arrêter la boxe à 35 ans pour passer à autres choses : mariage, enfants et business. Elle n’envisage pas devenir coache de boxe après sa carrière.
Mais pourquoi pas, ajoute-elle, ouvrir une salle de sport pour l’encadrement des orphelins et enfants de la rue.
Zalia : une vraie passionnée du sport qui, hormis la boxe, a aussi goûté aux délices du rugby, de l’haltérophilie et des arts martiaux mixtes (MMA en anglais) impliquant le full contact, le combat libre.
Paul Giresse LUIMBU